Filiales françaises de groupes allemands – les groupes allemands ont commencé à mettre en œuvre la loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte
Les groupes allemands ont commencé à mettre en œuvre la loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte. Les filiales françaises d’un groupe allemand doivent s’attendre à ce que la société mère allemande leur demande de se conformer au dispositif d’alerte mis en place par cette dernière.
En Allemagne et en France, la directive (UE) 2019/1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union européenne a été transposée en droit national. La loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte (Hinweisgeberschutzgesetz) du 31 mai 2023 est entrée en vigueur le 2 juillet 2023. Elle oblige les entreprises de 50 salariés ou plus à mettre en place un dispositif d’alerte. Cette obligation est entrée en vigueur de manière progressive et s’applique désormais aux entreprises comptant 50 salariés ou plus. En France, l’obligation de mettre en place un dispositif d’alerte dans les entreprises de 50 salariés ou plus s’applique depuis le 1er janvier 2018.
A la suite de l’adoption en Allemagne de la loi sur la protection des lanceurs d’alerte (Hinweisgeberschutzgesetz), les groupes allemands mettent en place leur dispositif d’alerte et demandent à leurs filiales de faire de même. Les filiales françaises de groupes allemands doivent donc s’attendre à ce que le groupe auquel elles appartiennent leur demande de déployer en France la procédure d’alerte mise en place par le groupe.
Celles-ci ne peuvent toutefois être déployées sans adaptation préalable au droit français.
En effet, bien qu’issues de la même directive, les lois allemande et française diffèrent sur certains points.
A titre d’exemple, le champ d’application matériel des manquements susceptibles d’être signalés est plus étroit en droit allemand qu’en droit français : la loi allemande ne vise que les infractions pénales, certaines infractions administratives ainsi que certaines violations du droit national ou fédéral ou encore du droit de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique. Contrairement à ce qui avait été indiqué dans le contrat de coalition, la loi allemande n’a pas prévu la possibilité de signaler des informations dont la révélation serait d’intérêt public. A l’inverse, la loi française permet de signaler des informations portant sur une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation de la règlementation applicable ou une menace ou un préjudice pour l’intérêt général.
Le champ d’application personnel de la procédure d’alerte est également plus étroit en droit allemand qu’en droit français. Selon le droit allemand, les entreprises sont libres de décider si les personnes externes à l’entreprise peuvent émettre un signalement via le dispositif d’alerte de l’entreprise. En droit français, les cocontractants de l’entité concernée, leurs sous-traitants ou lorsqu’il s’agit de personnes morales, les membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous-traitants ainsi que les membres de leur personnel peuvent émettre un signalement via le dispositif d’alerte de l’entreprise.
Lors du recueil et du traitement des signalements, les entreprises doivent également respecter certaines différences. A titre d’exemple, lors d’un signalement émis à l’oral, la loi allemande exige seulement une durée appropriée pour l’organisation d’une rencontre physique, alors que la loi française est plus précise et exige que la rencontre soit organisée au plus tard vingt jours ouvrés après réception de la demande.
Enfin, en matière d’information sur les autorités externes compétentes pour le recueil et traitement des signalements, la loi allemande est plus stricte que la loi française en ce sens qu’elle impose de mentionner les coordonnées des autorités externes compétentes ainsi qu’une description de leur procédure d’alerte. A cet égard, la loi française oblige seulement les entreprises à mettre à disposition des informations claires et facilement accessibles concernant les procédures de signalement des autorités externes.
Selon la taille de la filiale française, il conviendra également de vérifier si celle-ci doit mettre en place son propre dispositif d’alerte ou peut se contenter de celui existant au niveau groupe. En effet, en droit français, seules les sociétés de moins de 250 salariés peuvent mutualiser leurs dispositifs d’alerte avec d’autres du même groupe.
Rappelons enfin que le déploiement du dispositif d’alerte nécessite, en droit français de :
- Informer et consulter le CSE
- Mentionner la protection des lanceurs d’alerte dans le règlement intérieur de la société
- Informer individuellement les salariés
- Communiquer sur la procédure d’alerte par tout moyen (affichage, site internet, …).
La transposition de la directive européenne en droit allemand est une nouvelle opportunité pour les filiales françaises n’ayant pas encore mis en place un dispositif d’alerte de se conformer à leurs obligations en la matière.