CORPORATE – La distribution de dividendes en dehors de l’assemblée générale annuelle
Par un jugement du 23 septembre 2022, le Tribunal de commerce de Paris remet en question l’actuelle pratique commerciale courante de distribution de dividendes en dehors de l’assemblée générale annuelle. La position que prendra la cour d’appel de Paris ou, en cas de pourvoi, la Cour de cassation est très attendue.
Les distributions de dividendes font partie des pratiques commerciales courantes et résultent des comptes annuels. Elles se basent sur le report de bénéfice, les réserves distribuables des années précédentes ou le bénéfice annuel du dernier exercice. Une distribution ordinaire de dividendes est toujours fondée sur l’assemblée générale annuelle ordinaire. Celle-ci approuve le rapport de gestion ainsi que les comptes annuels et décide de l’affectation des bénéfices, qui seront éventuellement distribués sous forme de dividendes.
Mais la distribution de dividendes extraordinaires, également appelés dividendes intermédiaires, est aussi une pratique courante. En droit des sociétés, il s’agit de distributions qui ne sont pas décidées dans le cadre de l’assemblée générale ordinaire annuelle et qui ne sont donc pas directement liées au résultat de l’exercice précédent. Il s’agit également des distributions de bénéfices et de pertes reportés ainsi que des primes de toute nature.
Cette pratique se fonde sur les articles L. 232-11, alinéa 2, et L. 232-12, alinéa 1, du Code de commerce et a depuis été confirmée sans exception par la jurisprudence, la doctrine, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), et par un avis juridique de l’Association nationale des sociétés anonymes (ANSA).
Il est d’autant plus surprenant que le Tribunal de commerce de Paris semble vouloir mettre un terme à cette pratique en jugeant, dans sa décision du 23 septembre 2022, qu’il « ne peut être sérieusement soutenu que l’alinéa 2 de l’article L.°232-11 […] permettrait, en l’absence de dispositions contraires, un autre mode de distribution que celui-ci, alternatif, qui résulte de l’article L.°232-12 […] et que les sociétés auraient, dans le silence des textes, la possibilité de procéder librement à des distributions de sommes prélevées sur les réserves ». Une telle interprétation peut avoir des conséquences importantes dans le pire des scénarios, notamment la nullité de la décision des associés correspondante ou la responsabilité pénale et civile des dirigeants.
Le véritable problème d’une telle interprétation par le Tribunal de commerce de Paris est avant tout l’atteinte à un principe fondamentale de la sécurité juridique : « Tout ce qui n’est pas interdit est autorisé ». Ainsi, les sociétés se retrouvent dans une situation d’incertitude concernant les distributions de dividendes hors assemblée générale ordinaire, qui ne devrait pas prendre fin de sitôt. Les répercussions de ce jugement porteront sûrement l’affaire jusqu’à la Cour de cassation.
Conseil de GGV : En attendant, nous vous recommandons de ne pas surestimer l’importance de ce jugement. Certes, vous devriez, dans la mesure du possible, privilégier une distribution de dividendes dans le cadre de l’assemblée générale d’approbation des comptes annuels. Cependant, nous pensons qu’une distribution extraordinaire de dividendes reste possible jusqu’à nouvel ordre. Par précaution, vous pouvez l’associer à un rapport intermédiaire du commissaire aux comptes.