Lettre d’information franco-allemande | Automne 2024

Par le biais de cette lettre d’information bilingue, rédigée par l’équipe franco-allemande de GGV Avocats – Rechtsanwälte qui a pour vocation de conseiller les entreprises dans leur relations transfrontalières, nous souhaitons vous tenir informés de l’actualité juridique et fiscale française et internationale.

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Actualités France

  1. DROIT SOCIAL - Décision du Défenseur des droits relative à la conduite des enquêtes internes en matière de harcèlement sexuel
  2. DROIT SOCIAL - Nouvelles modalités de la contre-visite médicale
  3. IMMOBILIER – L’indemnisation du bailleur à l’épreuve de l’exigence de préjudice
  4. CONSTRUCTION – Revirement de jurisprudence pour l’assurance obligatoire des éléments d’équipement
  5. DROIT COMMERCIAL - Fraude au président (usurpation de l’identité du dirigeant) et responsabilité bancaire
  6. DROIT COMMERCIAL - Négociations commerciales en France : les négociations commerciales 2025 commencent
  7. CONTENTIEUX - Un cocontractant peut se prévaloir d’une clause limitative de responsabilité à l’égard des tiers
  8. CONTENTIEUX – Contrats et délai de prescription – Attention au point de départ du délai de prescription !
  9. CORPORATE - Transmission universelle de patrimoine : depuis le 1er octobre 2024, elle ne passe plus inaperçue !
  10. CORPORATE - Les Assouplissements de la Loi n° 2024-537 : Un vent de modernité pour les sociétés en France

Actualités France

DROIT SOCIAL - Décision du Défenseur des droits relative à la conduite des enquêtes internes en matière de harcèlement sexuel

Dans une décision 2024-105 du 11 juillet 2024, le Défenseur des droits, saisi par une salariée qui estimait avoir subi des agissements de harcèlement sexuel, a procédé à l’examen de l’enquête interne qui avait été menée par son employeur et apporté des précisions sur les principes et la méthodologie applicables à ces enquêtes.

Dans le cadre de l’enquête interne mise en œuvre par l’employeur, à la suite du signalement de la salariée, sept salariés avaient été auditionnés. Il ressortait de leur témoignage que plusieurs salariés, dont la personne visée par le signalement, avaient à plusieurs occasions dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions tenu des propos à caractère sexiste et sexuel. En revanche, il n’existait aucune preuve tangible ni témoignage direct des agissements dénoncés par la salariée. En conséquence, l’employeur avait conclu, au terme de l’enquête interne, que le harcèlement sexuel n’était pas confirmé.

Après analyse du rapport et de ses pièces, le Défenseur des droits a toutefois estimé que l’enquête interne n’avait pas respecté le principe de l’aménagement de la charge de la preuve en matière de harcèlement sexuel. Selon ce principe, inscrit à l’article L.1154-1 du Code du travail, il suffit au salarié de présenter un faisceau d’indices convergents laissant supposer l’existence d’un harcèlement pour faire peser sur le défendeur la charge de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement. Ainsi, selon le Défenseur des droits, l’existence de deux témoignages indirects tendant à corroborer les faits signalés et de plusieurs autres témoignages permettant de suspecter un harcèlement sexuel d’ambiance, suffisait à faire peser sur l’employeur l’obligation de prouver que les agissements de harcèlement sexuel dénoncés par la salariée n’avaient pas eu lieu. A défaut de pouvoir apporter cette preuve, il appartenait à l’employeur de conclure dans son rapport d’enquête à l’existence d’un harcèlement sexuel et d’en tirer les conséquences en protégeant la victime et sanctionnant de manière proportionnée l’auteur du harcèlement.

Le Défenseur des droits a en conséquence écarté les conclusions du rapport d’enquête de l’employeur. Considérant que la salariée avait subi des agissements de harcèlement sexuel et de harcèlement sexuel d’ambiance, il a, dans sa décision précitée, invité l’employeur à sanctionner les salariés concernés et à indemniser la salariée victime.

Le Défenseur des droits a par ailleurs précisé que, dès lors qu’une audition est indispensable à la manifestation de la vérité et sans qu’il ne soit nécessaire que la victime l’ait demandée explicitement, il convient d’y procéder. Il recommande ainsi aux enquêteurs de mener des enquêtes approfondies, et à ne pas conclure à l’absence de harcèlement avant d’avoir entendu tous les potentiels témoins des agissements dénoncés.

Conseil de GGV : Nous recommandons aux employeurs amenés à diligenter des enquêtes internes d’appliquer avec prudence le principe de l’aménagement de la charge de la preuve en matière de harcèlement et de le concilier avec le principe selon lequel le doute profite au salarié, qui s’oppose à ce qu’un salarié soit sanctionné sur la base de simples présomptions.

DROIT SOCIAL - Nouvelles modalités de la contre-visite médicale

Le décret n°2024-692 du 05.07.2024 est venu réformer les modalités d’organisation et de déroulement de la contre-visite mise en œuvre à la demande de l’employeur pour vérifier le caractère justifié du certificat médical d’arrêt de travail d’un salarié.

Pour rappel, une contre-visite peut être organisée à l’initiative de l’employeur aussi longtemps que perdure son obligation (légale ou conventionnelle) de verser une indemnisation au salarié.

Le salarié doit communiquer à l’employeur, dès le début de son arrêt maladie, son lieu de repos s’il est différent de son domicile et, si l’arrêt de travail mentionne « sortie libre », les horaires auxquels la contre-visite peut s’effectuer.

La contre-visite s’effectue à tout moment, au choix du médecin mandaté par l’employeur :

  • Soit au domicile du salarié ou au lieu de repos qu’il a communiqué
  • Soit au cabinet du médecin mandaté sur convocation de celui-ci. Si le salarié est dans l’impossibilité de se déplacer, il en informe le médecin en précisant les raisons.

A l’issue de la visite, le médecin doit informer l’employeur sans délai soit du caractère justifié ou injustifié de l’arrêt de travail et de sa durée, soit de l’impossibilité de procéder au contrôle du fait de l’absence du salarié.

L’employeur doit immédiatement transmettre cette information au salarié.

En cas d’arrêt et/ou de durée d’arrêt injustifiés ou d’impossibilité de procéder à la contre-visite, l’employeur est alors en droit de suspendre le paiement des indemnités complémentaires au salarié à compter de la date de la contre-visite.

Le médecin mandaté par l’employeur doit transmettre son rapport au service médical de contrôle de la CPAM dans les 48 heures suivant la contre-visite.

Attention : Le droit local d’Alsace-Moselle ne permet d’ailleurs pas à l’employeur de faire procéder à une contre-visite. Ce dernier ne peut pas suspendre le versement des indemnités complémentaires.

IMMOBILIER – L’indemnisation du bailleur à l’épreuve de l’exigence de préjudice

Par une série de trois arrêts en date du 27 juin 2024, la Cour de cassation se penche sur l’indemnisation du bailleur commercial lors de la restitution des locaux par le preneur.

Dans la première affaire (Cass. 3e civ., 27 juin 2024, n° 22-24502), le bailleur avait reloué le local après sa restitution, sans engager de dépenses particulières. Dans le deuxième et le troisième arrêt (Cass. 3e civ., 27 juin 2024, n° 22-21272 – Cass. 3e civ., 27 juin 2024, n° 22-10298), les bailleurs avaient vendu l’immeuble après le départ du locataire.

Les locataires soutenaient dans les deux premières affaires devant la Cour d’appel de Douai et la Cour d’appel de Paris, qu’en l’absence d’un préjudice justifié, causé par la faute du locataire, le juge ne peut indemniser le bailleur, l’inexécution des réparations locatives n’étant pas suffisante pour fonder ce préjudice. A l’inverse des premiers pourvois, celui formé par le bailleur dans la troisième affaire arguait de ce que le constat de dégradations durant la jouissance du bien loué ouvre droit à réparation.

La Cour de cassation a dû répondre à la question de savoir si le manquement du locataire à son obligation de restituer les locaux en bon état suffit à caractériser l’existence d’un préjudice indemnisable.

La Haute juridiction répond par la négative, considérant qu’il résulte de la combinaison des articles 1732, 1147 et 1149 du Code civil que le bailleur doit démontrer l’existence d’un préjudice effectif, devant être évalué au regard des circonstances postérieures à la libération des lieux, et réaffirme l’exigence d’un lien direct et exclusif entre la faute du preneur et le préjudice du bailleur.

Comme dans le passé cette question avait donné lieu à des positions contradictoires et à quelques volte-face de la part de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 29 janv. 2002, n° 99-20768Cass. 3e civ., 3 déc. 2003, n° 02-18033), il reste à espérer que la Cour, dans le flot des contentieux locatifs, garde le cap de ces dernières décisions.

CONSTRUCTION – Revirement de jurisprudence pour l’assurance obligatoire des éléments d’équipement

Les éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage étaient jusqu’à récemment soumis à l’assurance obligatoire des constructeurs pour couvrir la garantie décennale. Par un arrêt du 21.03.2024, la Cour de cassation a jugé que ces éléments d’équipement ne sont plus couverts par les garanties légales des constructeurs.

Les éléments d’équipement antérieurement soumis aux garanties légales de construction

Les éléments d’équipement forment une vaste catégorie (p. ex. panneaux photovoltaïques, pompes à chaleur, faux-plafonds, etc.) présente dans chaque marché de travaux. Ils se divisent entre éléments dissociables et indissociables de l’ouvrage.

Si l’élément d’équipement est indissociable de l’ouvrage (p. ex. ascenseur, chaudière), alors il est soumis aux garanties légales auxquelles tout constructeur d’ouvrage est tenu (art. 1792-2 du Code civil), notamment la garantie décennale. Les installateurs d’éléments d’équipement indissociables de l’ouvrage doivent de ce fait souscrire une assurance obligatoire (art. L. 241-1 du Code des assurances).

En 2017, la Cour de cassation a jugé que les installateurs d’éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage sont également des constructeurs devant souscrire une assurance obligatoire. La Haute juridiction souhaitait par-là même mieux protéger le maître d’ouvrage en cas de désordres.

Cependant, par un arrêt du 21.03.2024, la Cour de cassation a pris acte que cette jurisprudence n’avait pas produit les effets escomptés.

A présent, les éléments d’équipement dissociables sont uniquement couverts par la garantie contractuelle

En effet, la Cour a constaté que les installateurs d’éléments d’équipement ne souscrivaient pas plus d’assurances obligatoires qu’auparavant.

Dès lors, la Cour de cassation a jugé que les éléments d’équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant et qui ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, relèvent uniquement de la responsabilité contractuelle de droit commun. L’arrêt précise que le degré de gravité des désordres sur l’ouvrage est indifférent.

Ainsi, les installateurs d’éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage ne sont plus tenus de souscrire l’assurance obligatoire des constructeurs.

L’impact du revirement sur la responsabilité des installateurs d’éléments d’équipement

Ce revirement de jurisprudence aura des conséquences notables pour la responsabilité des installateurs d’éléments d’équipement.

En effet, les garanties légales biennales de bon fonctionnement et décennale ne s’appliquant plus, les parties pourront négocier le périmètre de responsabilité contractuelle de l’installateur d’éléments d’équipement. La discussion portera notamment sur la prescription, qui est sauf aménagement conventionnel de cinq ans à compter de la connaissance du dommage, contrairement aux garanties légales qui débutent à la réception des travaux.

GGV vous informe : Le maître d’ouvrage comme l’installateur d’éléments d’équipement devront désormais prêter une attention particulière à la fixation de la prescription dans le marché de travaux. En effet, il est possible d’aménager contractuellement la durée de la prescription, sous réserve de respecter la durée plancher d’un an et la durée plafond de dix ans.

DROIT COMMERCIAL - Fraude au président (usurpation de l’identité du dirigeant) et responsabilité bancaire

Dans l’arrêt n° 23-13.282 rendu le 2 octobre 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation examine la problématique de l’usurpation d’identité du dirigeant d’une société dans le cadre d’ordres de paiement, rappelant les obligations de vigilance des établissements bancaires.

La « fraude au président » consiste à usurper l’identité du dirigeant d’entreprise en vue de convaincre un employé d’effectuer un virement bancaire vers un compte tiers. Cette pratique s’est dangereusement répandue ces dernières années. Dans la présente affaire, un tiers a réussi à obtenir de la comptable d’une entreprise l’émission de sept ordres de virement, étalés sur moins de deux semaines et totalisant plus de deux million d’euros, au profit d’une société située en Chine.

L’entreprise assigne sa banque. Les juges d’appel retiennent la responsabilité de la banque sur le fondement du devoir de vigilance, considérant qu’elle aurait dû détecter des anomalies apparentes dans les ordres de paiement, compte tenu des circonstances inhabituelles entourant les transactions.

La banque se pourvoit en cassation. Toutefois, la Cour de cassation rejette le pourvoi, affirmant que la banque aurait dû être alertée par différentes anomalies, telles que :

  • un caractère rapproché et répété des virements,
  • un montant élevé par rapport aux autres ordres émis par la société,
  • des opérations effectuées en période inhabituelle,
  • des bénéficiaires non habituels pour la société,
  • un pays destinataire atypique (Hong-Kong).

La responsabilité de la banque peut alors être engagée lorsque plusieurs éléments factuels, pris ensemble, laissent présager d’un risque de fraude. L’appréciation des faits doit donc se faire dans leur globalité, et non de manière isolée.

Selon la Haute juridiction, en présence de circonstances inhabituelles laissant suspecter une possible « fraude au président », la banque aurait dû contacter le dirigeant de la société pour valider les opérations. Le dirigeant était en effet la seule personne contractuellement habilitée pour cela. La banque avait seulement contacté la comptable. Cette exigence est cruciale pour contrer la fraude, car la communication avec un employé qui pourrait être la victime d’une usurpation (comme la comptable ici) ne suffit pas à sécuriser les transactions.

En conclusion, les établissements bancaires sont tenus de vérifier l’éventuelle présence de circonstances inhabituelles et d’alerter la société concernée en cas d’anomalies apparentes. A défaut, l’entreprise victime d’une fraude au président se voir ouvrir la possibilité de demander réparation.

DROIT COMMERCIAL - Négociations commerciales en France : les négociations commerciales 2025 commencent

Les négociations commerciales sont très encadrées en France, tant en ce qui concerne le calendrier que les modalités ou le contenu de la convention conclue.

Chaque année, les fournisseurs et les distributeurs négocient les nouvelles conditions commerciales pour l’année en cours avec une « date butoir » fixée généralement au 1er mars. La convention dite « convention écrite » peut avoir une durée de 1, 2 ou 3 ans.

Le respect de cette « date butoir » et des autres échéances, des modalités de la négociation et du contenu de la convention fait l’objet d’une surveillance attentive de la part de l’administration française, d’autant plus dans un contexte de difficultés des agriculteurs. L’amende maximale encourue par une personne morale en cas de manquement aux dispositions relatives à la convention écrite est de 375.000 EUR, voire 750.000 EUR en cas de réitération du manquement. Le respect des dispositions sur les négociations commerciales incombe a priori aux deux parties, même si l’administration tâche d’identifier la partie à laquelle un éventuel manquement est imputable.

Ces dispositions s’appliquent à toute convention entre un fournisseur et un acheteur portant sur des produits ou des services commercialisés sur le territoire français. Les litiges relatifs à ces conventions relèvent de la compétence exclusive des tribunaux français même si le défendeur n’est pas domicilié en France, sous réserve du respect du droit de l’Union européenne et des traités internationaux.

Une amende de 38.067.000 EUR (a priori susceptible de recours) a été prononcée cet été à l’encontre de la centrale d’achat européenne de Leclerc, établie en Belgique, pour 62 manquements à son obligation de signature des conventions avec ses fournisseurs dans les délais légaux. L’amende a été prononcée sur le fondement de dispositions renforcées pour les négociations de 2023 afin de lutter contre l’inflation.

La séquence des négociations commerciales commence avec la communication des conditions générales par les fournisseurs à leurs clients. Cette communication doit être faite en général dans un « délai raisonnable » avant le 1er mars, et même le 1er décembre de l’année précédente pour les fournisseurs de certains « produits de grande consommation non durables à forte fréquence et récurrence de consommation », comme par exemple la plupart des aliments et boissons, des produits de ménage et d’hygiène, et divers autres produits tels que les piles électriques.

Conseil de GGV :  pour éviter des contentieux ou des sanctions, nous recommandons d’être attentif aux règles applicables aux différentes étapes des négociation en fonction des produits et services concernés, et de de garder une trace écrite des échanges intervenus lors des négociations pour pouvoir prouver sa bonne foi.

CONTENTIEUX - Un cocontractant peut se prévaloir d’une clause limitative de responsabilité à l’égard des tiers

Depuis 2006, la Cour de cassation reconnaît au tiers à un contrat le droit d’engager la responsabilité d’un cocontractant en se prévalant d’un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui cause un préjudice (Cass. Ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13.255, Bootshop).

Dans ce cas, le tiers doit agir en responsabilité délictuelle sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, car il n’est pas partie au contrat. Il n’aura pas besoin de démontrer que le contractant a commis une faute délictuelle, mais simplement que le contractant a commis un manquement contractuel (Ass. plén. 13 janv. 2020, pourvoi n° 17-19.963). Il devra établir en outre avoir subi un préjudice résultant directement de ce manquement contractuel.

Cette possibilité pour le tiers de se prévaloir d’un manquement contractuel sur le fondement de la responsabilité délictuelle était critiquée. En effet, le tiers, n’étant pas lié par contrat à l’auteur du manquement contractuel, ne pouvait se voir opposer les clauses limitatives de responsabilité prévues au contrat. Par conséquent, le tiers se trouvait dans une situation plus favorable que le cocontractant de l’auteur du manquement et pouvait ainsi déjouer les prévisions des parties.

Dans un arrêt du 3 juillet 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue corriger cette position.

En effet, elle a précisé qu’une clause limitative de responsabilité peut être opposée au tiers qui invoque un manquement contractuel, afin de « ne pas déjouer les prévisions du débiteur, qui s’est engagé en considération de l’économie générale du contrat et ne pas conférer au tiers qui invoque le contrat une position plus avantageuse que celle dont peut se prévaloir le créancier lui-même ». (Cass. com., 3 juill. 2024, n° 21-14.947).

Cette décision, si elle est confirmée par les autres chambres de la Cour de cassation, mérite d’être saluée car elle renforce la prévisibilité pour les parties contractantes et rééquilibre leur relation avec les tiers.

CONTENTIEUX – Contrats et délai de prescription – Attention au point de départ du délai de prescription !

Une clause contractuelle ne peut valablement prévoir que le droit d’agir d’un cocontractant devra s’exercer dans un délai d’un an à compter de la survenance du fait générateur.

L’article 2224 du Code civil prévoit que le délai de prescription des actions est de cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

S’il est possible pour les parties d’allonger ou de raccourcir la durée de ce délai en insérant une clause contractuelle, l’article 2254 du Code civil prévoit cependant que les parties ne peuvent réduire le délai de prescription à une durée inférieure à un an, ni le rallonger à une durée supérieure à dix ans.

Dans un arrêt récent (Cass. civ, 13 mars 2024, n° 22-12.345), la Cour de cassation est venue préciser que les parties ne pouvaient fixer un autre point de départ du délai de prescription que la date à partir de laquelle elles avaient eu connaissance ou auraient dû avoir connaissance des faits leur permettant d’agir en justice.

Dans le cas d’espèce, les parties avaient inséré dans leur contrat une clause qui prévoyait un délai de prescription d’un an courant à compter de la survenance du fait dommageable. La Haute juridiction a considéré qu’une telle clause n’était pas valable, au motif qu’en soumettant l’action du client à une prescription d’un an après la survenance du fait générateur, la clause avait pour conséquence de réduire la prescription applicable en deçà de la limite fixée par l’article 2254 du code civil.

Ainsi, la liberté contractuelle des parties reste limitée dans la rédaction des clauses voulant réduire le délai légal de prescription, car elles ne peuvent s’affranchir du point de départ du délai fixé par le législateur. L’objectif de la Cour est manifestement ici de protéger le titulaire de l’action, dont le droit d’agir ne peut être réduit à un an à compter d’un fait dont il n’a pas eu connaissance.

Conseil de GGV : soyez vigilants lors de la rédaction de clauses aménageant les délais d’action :

  • Le délai de prescription ne pourra être ni inférieur à un an ni supérieur à dix ans ;
  • Le point de départ du délai de prescription doit être fixé à compter du jour de la connaissance des faits permettant d’exercer l’action, et non pas à compter du jour de la survenance du dommage.

CORPORATE - Transmission universelle de patrimoine : depuis le 1er octobre 2024, elle ne passe plus inaperçue !

La transmission universelle du patrimoine (TUP) est un mécanisme répandu dans le cadre des opérations de restructuration d’entreprise, par lequel une entreprise en dissolution transmet son patrimoine dans son intégralité à son associé unique personne morale.

La TUP est une procédure simple, qui permet le transfert de l’actif et du passif de la société en quelques formalités, notamment par l’intermédiaire d’une décision de l’associé unique sur la dissolution sans liquidation de la société, et une publication d’annonce légale, qui fait courir un délai de 30 jours pendant lequel les créanciers peuvent s’opposer à la dissolution sans liquidation de la société.

Cependant, depuis le 1er octobre 2024, il est obligatoire de publier la dissolution donnant lieu à une opération de TUP au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). Pour réaliser la publication d’une annonce de TUP au BODACC, il convient de s’adresser au Greffe du Tribunal de Commerce du ressort de la société.

Cette publication au BODACC devient ainsi le nouveau point de départ du délai d’opposabilité de 30 jours des créanciers. La mise en place de cette nouvelle mesure a pour but de permettre une meilleure information des créanciers et de lutter contre la fraude, puisqu’auparavant certaines sociétés publiaient leur annonce de TUP dans un journal d’annonce légal moins visible pour tenter d’échapper à leurs obligations vis-à-vis des tiers.

Conseil de GGV : Nous recommandons d’anticiper les opérations de TUP en prenant en compte les délais supplémentaires pour la parution au BODACC, qui dépendent d’un part du délai de traitement par le Greffe de la juridiction compétente qui peut s’étendre sur plusieurs semaines, et d’autre part du rythme de parution, le BODACC ne paraissant que 5 fois par semaine. En fonction du nombre d’annonces et en raison des délais de traitement par le Greffe, il est donc plus difficile de cibler une date précise de parution.

GGV se tient à votre disposition pour vous assister et vous conseiller dans la réalisation de vos opérations de TUP.

CORPORATE - Les Assouplissements de la Loi n° 2024-537 : Un vent de modernité pour les sociétés en France

La Loi n° 2024-537, adoptée le 13 juin 2024 et entrée en vigueur le 14 septembre 2024, apporte des assouplissements significatifs dans la gestion administrative des sociétés anonymes et des sociétés à responsabilité limitée, visant à simplifier les processus de tenue des réunions des organes sociaux et à favoriser l’agilité organisationnelle. 

Nous vous présentons les points les plus importants :

Sociétés Anonymes (SA)

Flexibilité renforcée de la tenue des réunions du conseil d’administration et du conseil de surveillance

Un des changements majeurs introduits par cette loi concerne la tenue des réunions du conseil d’administration et du conseil de surveillance des SA. Auparavant, ces réunions devaient se tenir physiquement, sauf à ce que les statuts ou un règlement intérieur prévoient la tenue des réunions par tout moyen de télécommunication. Mais en tout état de cause, la tenue de réunions par moyens de télécommunication était interdite pour l’arrêté des comptes annuels et pour l’arrêté des comptes consolidés. La nouvelle législation permet désormais de tenir toute réunion du conseil d’administration ou de surveillance par visioconférence ou d’autres moyens de communication électronique, en ce compris notamment l’arrêté des comptes, offrant ainsi plus de flexibilité aux administrateurs.

Cette mesure répond à la nécessité d’adapter le fonctionnement des sociétés à des pratiques modernes, facilitant la participation des membres, même à distance. Cela permet également de réduire les coûts associés aux déplacements et d’accélérer la prise de décision dans un environnement économique souvent changeant.

Mise en conformité des statuts

Afin de modifier les statuts et de les mettre en conformité avec les dispositions législatives, l’assemblée générale extraordinaire devait auparavant intervenir en amont, pour déléguer ce pouvoir au conseil d’administration ou conseil de surveillance, et en aval, pour ratifier la modification. Désormais, la mise en conformité des statuts requiert uniquement une décision du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, laquelle doit être ultérieurement ratifiée par l’assemblée générale.

Sociétés à responsabilité limitée (SARL)

Approbation des comptes simplifiée

L’un des changements majeurs concerne l’approbation des comptes dans les SARL. Il n’est plus nécessaire que les associés se réunissent en assemblée générale pour valider les comptes annuels. Désormais, cette approbation peut se faire par consultation écrite ou acte unanime, facilitant ainsi le processus décisionnel. Les sociétés peuvent ainsi s’adapter plus facilement aux contraintes de temps et de disponibilité de leurs associés, à condition que les statuts le prévoient.

Consultation écrite par voie électronique

Par un ajout à l’article L. 223-27 du Code de commerce, la réforme a également inscrit dans la loi la possibilité de recourir à des moyens électroniques dans le cadre de la consultation écrite des associés.

Vote par correspondance

Enfin, la loi ouvre la voie au vote par correspondance pour les SARL. Jusqu’à présent, cette pratique n’était pas autorisée, ce qui limitait les possibilités de participation des associés. Désormais, les statuts pourront permettre cette méthode de vote.

Conseil de GGV : Nous recommandons de vérifier si vos statuts sont à jour pour que votre société puisse bénéficier de ces nouvelles règles. Nous interviendrons volontiers pour un audit de vos statuts.

 

LFA version Allemande
L'Équipe Franco-Allemande de GGV